Tour d’horizon sur le télétravail
Cela fait maintenant presque deux ans que la crise sanitaire chamboule le milieu du travail. S’il y’a un bien un sujet qui anime continuellement les débats, c’est la mise en place du télétravail. Voici ce que vous devez savoir si vous désirez instaurer le télétravail dans votre entreprise demain!
Contexte actuel:
Cela fait maintenant plus d’un an et demi que la crise sanitaire liée à la COVID-19 est au cœur de tous les débats, mais s’il y a bien une chose sur laquelle tout le monde s’accorde c’est que cette dernière aura mis le monde du travail à rude épreuve.
Employeurs et travailleurs ont dû et doivent encore faire face à certaines difficultés et à des situations inédites pour un bon nombre d’entre eux : chômage temporaire, fermeture obligatoire, interruption temporaire de travail en masse et enfin, instauration du télétravail.
Le télétravail a été tout particulièrement mis en avant, dès lors qu’il a été rendu obligatoire lors des différents confinements que nous avons connus.
Du jour au lendemain, des milliers de travailleurs se sont retrouvés à travailler de la maison et les employeurs ont dû rapidement mettre en place des politiques internes pour rendre cela possible.
Alors qu’il était désormais permis aux travailleurs de revenir à un travail en présentiel, l’Arrêté royal du 19 novembre 2021 modifiant l'arrêté royal du 28 octobre 2021 portant les mesures de police administrative nécessaires en vue de prévenir ou de limiter les conséquences pour la santé publique de la situation d'urgence épidémique déclarée concernant la pandémie de coronavirus COVID-19, prévoit que le télétravail est à nouveau obligatoire à partir du 22 novembre 2021 pour tous les entreprises, associations et services, pour toutes les personnes occupées auprès de ceux-ci, quelle que soit la nature de leur relation de travail, sauf si c'est impossible en raison de la nature de la fonction, de la continuité de la gestion de l'entreprise, de ses activités ou de ses services.
Un régime dérogatoire est toutefois prévu par cet arrêté royal permettant aux entreprises de prévoir des moments de retour en entreprise pour leurs travailleurs. Ces moments de retour peuvent s’élever à maximum un jour par semaine jusqu’au 12 décembre 2021, pour maximum 20% du personnel à la fois et à deux jours par semaine à partir du 13 décembre pour maximum 40% du personnel à la fois.
Nonobstant ces nouvelles mesures et qu’il soit imposé ou non, force est de constater que le télétravail rencontre aujourd’hui un certain succès tant auprès des travailleurs, que des employeurs : meilleure gestion des locaux, économies d’énergie, meilleure conciliation entre vie privée et professionnelle, … Les avantages du télétravail sont nombreux .
Toutefois, si le télétravail a été mis sur le devant de la scène en raison de la crise sanitaire, ce mode d’exécution du contrat de travail existe depuis de nombreuses années déjà, sous deux formes particulières : le télétravail structurel et le télétravail occasionnel.
- Le télétravail structurel est légalement encadré par la Convention collective de travail n°85 du 9 novembre 2005 concernant le télétravail, modifiée par la convention collective de travail n°85bis du 27 février 2008. Il s’agit d’un télétravail récurrent dans le mode d’exécution du contrat de travail des travailleurs concernés.
- Le télétravail occasionnel est, quant à lui, organisé par les dispositions de la Loi du 5 mars 2017 concernant le travail faisable et maniable. Il s’agit, comme son nom l’indique, d’un télétravail occasionnel applicable en cas de force majeure ou pour des raisons personnelles au travailleur, qui n’a pas vocation à s’appliquer de façon récurrente dans l’entreprise.
En tant qu’employeur, et hormis le cas où le télétravail est imposé par la situation sanitaire, vous pouvez donc faire le choix de mettre en place le télétravail structurel ou n’accepter que le télétravail occasionnel.
Dans cet article, nous nous concentrerons exclusivement sur la mise en place du télétravail structurel et sur les questions que vous seriez susceptibles de vous poser dans sa mise en œuvre.
A. La mise en place du télétravail est-elle obligatoire et faut-il accorder des jours de télétravail à tous les travailleurs ?
Avant toute chose, il est important de préciser qu’il n’y a en tant que tel aucun droit ni aucune obligation au télétravail.
En dehors du cas du télétravail imposé par la crise sanitaire, la mise en place d’un régime de télétravail découle en réalité d’un accord entre l’employeur et le travailleur.
Il n’y a par conséquent, aucune obligation d’accorder des jours de télétravail à son personnel, ni d’accorder le même nombre de jours de télétravail à tous les travailleurs.
Etant donné que la mise en place du télétravail découle d’un accord entre l’employeur et le travailleur, la décision prise et les modalités d’exercice du télétravail peuvent donc être différentes en fonction du travailleur concerné, tout en restant attentif aux différences de traitements qui ne pourraient être objectivement justifiées.
Cela étant, il est tout à fait clair et admis que certaines fonctions sont, de par leur nature, exclues du droit au télétravail. Il en va par exemple des travailleurs dont la fonction ne peut s’exécuter qu’au sein des locaux de l’entreprise : personnel d’accueil, personnel de maintenance, personnel IT, …
B. Comment définir les jours de télétravail ?
Conformément à la CCT n°85 (article 6), la mise en place du télétravail requiert qu’un écrit soit établi pour chacun des travailleurs concernés individuellement, soit au moment de son engagement, soit au moment de la mise en place du télétravail structurel.
Cet écrit doit effectivement contenir un certain nombre de mentions obligatoires :
- La fréquence du télétravail et éventuellement, les jours pendant lesquels le télétravail est effectué et le cas échéant les jours et/ou heures de présence dans l'entreprise.
Par exemple : un ratio 2 jours de télétravail, 3 jours en présentiel.
La CTT n°85 ne prévoit aucune règle particulière quant au choix des jours de télétravail prestés par les travailleurs. Il ne faut donc pas forcément définir un nombre de jours de télétravail fixes par semaines (par exemple tous les lundis et mercredis).
Cette décision découle intégralement de l’accord entre l’employeur et le travailleur.
L’employeur peut donc laisser le choix à ses travailleurs des jours de télétravail leur convenant le mieux (pour des raisons personnelles et familiales par exemple).
Ainsi, la convention relative au télétravail peut simplement se limiter à prévoir le nombre de jours de télétravail auquel le travailleur a droit.
Toutefois, définir des jours fixes peut permettre une meilleure organisation du travail en équipe. - Les moments ou périodes pendant lesquesl le télétravailleur doit être joignable et suivant quels moyens
- Les moments auxquels le télétravailleur peut faire appel à un support technique.
- Les modalités de prise en charge par l'employeur des frais et des coûts déterminés aux articles 9 et suivants de la convention collective de travail n°85 ; à savoir les frais liés aux équipements de télétravail, aux connexions, aux installations de programmes informatiques, à l’entretien du matériel, …
- D’une part, les conditions et modalités du retour au travail dans les locaux de l'employeur lorsque le télétravail ne fait pas partie du descriptif initial du poste de travail (l'article 5, alinéa 3 de la présente convention). En effet, dans ce cas de figure la décision de passer au télétravail est réversible par un accord individuel et/ou collectif.
D’autre part, en cas de retour au travail dans les locaux de l'employeur, le délai d'avertissement et/ou la durée du télétravail et son mode de renouvellement. - Le ou les lieux où le télétravailleur a choisi d'exécuter son travail.
Il est également important de mentionner dans cet écrit la période convenue comme période pendant laquelle le télétravail peut s'effectuer, et ce notamment, afin de couvrir un potentiel accident du travail survenant au cours d’une journée de télétravail.
Cet écrit peut être conclu pour une durée déterminée ou indéterminée.
Enfin, la possibilité de bénéficier du télétravail structurel peut également être mise en place de façon générale via le règlement de travail de l’entreprise.
C. Qu’en est-il des indemnités dues aux travailleurs en cas de mise en place du télétravail ?
La CCT n°85 prévoit un certain nombre d’obligations pour l’employeur.
Conformément à cette CCT, l’employeur est tenu de fournir les équipements nécessaires au télétravail, de les installer et de les entretenir. L’employeur doit également prendre exclusivement à sa charge les coûts de connexions et de communications liées au télétravail.
Si le télétravailleur utilise ses propres équipements, les frais d’installation des programmes informatiques, les frais de fonctionnement et d’entretien ainsi que le coût de l’amortissement de l’équipement, liés au télétravail incombent à l’employeur.
En plus de cette intervention pour le PC et/ou les frais de connexion, L’employeur peut également, sans aucune obligation, prévoir une indemnité pour les frais généraux liés à l’exécution du travail à domicile, comme le chauffage, l'électricité, du petit matériel de bureau, appelée indemnité de bureau.
Cette indemnité n’est pas obligatoire, mais a l’avantage de pouvoir être soumise à un traitement fiscal et social avantageux.
Concrètement, si l’employeur prévoit une indemnité de bureau, ce remboursement de frais pourra se faire, soit sur base de justificatifs de frais réels, soit sur la base d’un forfait devant correspondre à une certaine moyenne réaliste.
Le remboursement des frais réels peut quant à lui s’avérer compliqué, ces derniers étant différents pour chacun des travailleurs et reposant sur la remise de justificatifs pour chaque dépense.
Il est donc généralement plus facile de recourir au paiement d’une indemnité forfaitaire couvrant l’indemnité de bureau. Cette indemnité forfaitaire peut s’élever au montant maximal de 129,48 € par mois (suivant le forfait proposé par l’ONSS pour 2021).
En plus de cela, l’employeur peut prévoir une indemnité supplémentaire de € 20,00 maximum par mois pour l'utilisation à des fins professionnelles d'une connexion et d'un abonnement internet privés, ainsi qu’une indemnité de € 20,00 maximum par mois pour l'utilisation à des fins professionnelles d’un ordinateur privé avec périphérique.
Ceci ne concerne évidemment que l’hypothèse où l’employeur ne fournirait pas ces équipements.
D. L’instauration du télétravail implique-t-elle de facto une révision du montant de l’abonnement social ?
Aucun texte légal ne prévoit malheureusement l’impact de la mise en place du télétravail structurel sur les indemnités de mobilité ou abonnement sociaux.
Il faut donc en déduire que les règles de base restent applicables et que l’employeur est toujours redevable d’une intervention dans les frais de mobilité de ses travailleurs.
Concrètement, en cas d’utilisation de transports en commun publics, l’employeur sera toujours tenu d’intervenir dans le prix de l’abonnement de ses travailleurs.
Cependant, en cas d’utilisation d’un autre moyen de transport que les transports en commun publics, son intervention pourra s’effectuer uniquement pour les jours de présence au travail. L’employeur ne sera donc logiquement pas tenu d’indemniser les jours de télétravail.
E. Cela aura-t-il un impact sur la clause de mise à disposition du véhicule d’entreprise et des frais d’essence ?
Le télétravail n’est qu’une forme d’organisation / d’exécution du contrat de travail et n’a donc théoriquement pas d’impact sur celui-ci et sur les éléments rémunératoires en découlant.
La mise disposition d’un véhicule de société est un des éléments de la rémunération de vos travailleurs et constitue également pour eux un avantage en toute nature qui ne peut leur être retiré – même partiellement – sans leur accord.
Dès lors, la mise en place de jours de télétravail n’autorise pas l’employeur à retirer unilatéralement le véhicule de société mis à disposition de ses travailleurs.
Il en va de même pour la mise à disposition d’une carte essence, sauf dispositions contractuelles particulières limitant l’utilisation de la carte essence.
F. Quid des travailleurs qui désirent télétravailler à partir de l’étranger ?
Cette possibilité n’est pas envisagée par la CCT n°85, mais a posé question au cours des différents confinements que nous avons connus.
La gestion de ce cas de figure appartient par conséquent exclusivement à l’employeur. Ce dernier pouvant dès lors choisir d’accepter ou non le télétravail à l’étranger.
Néanmoins, l’autorisation du télétravail à l’étranger entraine toute une série de questions et de problématiques, notamment en ce qui concerne la loi applicable.
En effet, en droit du travail, le droit applicable est théoriquement celui du lieu d’exécution du contrat de travail.
Si les travailleurs télétravaillent régulièrement depuis l’étranger, la question de savoir quel est le droit applicable à la relation de travail pourrait se poser en cas de litige, ce qui pourrait compliquer les débats éventuels.
Par ailleurs, l’employeur devra également vérifier sa couverture d’assurance accidents du travail, afin de s’assurer que celle-ci comprend bien une couverture internationale.
Il est donc important pour l’employeur de se renseigner auprès de son assureur accidents du travail.
Caroline Boumal