Le législateur renforce la loi du 2 août 2022 en luttant contre les problèmes de liquidités.
Les diverses modifications adoptées par la loi du 14 août 2021 sont entrées en vigueur le 01/02/2022. La loi du 2 août 2002 concernant la lutte contre les retards de paiement durcit le ton face aux mauvais payeurs. Mise au point quant aux nouvelles conditions applicables au paiement des factures B2B
I. Les rétroactes
Les retards de paiement entre entreprises préoccupent, depuis de longues années déjà, tant le législateur européen que belge au vu des lourdes charges administratives et financières qu’engendrent ces dits retards. Dans un souci d’harmonisation, la directive européenne 2000/35/CE visant à lutter contre les retards de paiement dans les transactions commerciales[1] fut votée par le Parlement européen et le Conseil et, par la suite, transposée en Belgique par la loi éponyme du 2 août 2002[2]. Son objectif est d’accélérer le paiement des factures des entreprises par le biais de diverses mesures et notamment la fixation de délais de paiement contraignants et d’un taux d’intérêt de retard majoré par rapport au taux d’intérêt de retard ordinaire[3].
Tout comme la directive européenne, la loi du 2 août 2002 a été remaniée à de nombreuses reprises depuis son entrée en vigueur. Les dernières modifications en date sont reprises dans la loi du 14 août 2021[4], le législateur estimant qu’une nouvelle étape devait être franchie dans la lutte contre le retard de paiement en accentuant la sévérité de la loi et en comblant ses lacunes.
Ces modifications tombent à point nommé pour les petites et moyennes entreprises (PME) qui, depuis deux années, suite à la crise sanitaire, ont vu leurs difficultés de paiement s’accroitre et particulièrement le paiement de leurs factures tarder[5].
II. Les modifications apportées par la loi du 14 août 2021
A. Créanciers concernés
Rappelons que les considérations qui suivent ne visent uniquement que les créances entre entreprises ou entre entreprises et pouvoirs publics, lorsque le débiteur est une autorité publique. En revanche, la loi ne s’applique pas lorsque les dispositions spécifiques de la réglementation sur les marchés publics s’appliquent[6].
Les consommateurs sont donc exclus du champ d’application de la loi.
B. Première modification
Dorénavant, le délai de paiement ne pourra excéder 60 jours civils et ce quel que soit la taille de l’entreprise.
Le délai légal de paiement reste, quant à lui, inchangé puisque toujours de 30 jours civils. Les entreprises peuvent néanmoins déroger contractuellement à ce régime légal sans toutefois que le délai de paiement puisse excéder 60 jours. Tout délai supérieur sera réputé non écrit et considéré comme nul.
Une clause contractuelle prévoyant un délai de paiement entre 30 et 60 jours peut en théorie encore et toujours être révisée par le juge lorsque, compte tenu de tous les éléments du cas d’espèce, elle constitue un abus manifeste à l’égard du créancier[7].
Une exception à cependant à prévoir dans certains secteurs particuliers et qui nécessitent, de surcroît, une augmentation de ce délai. Cette exception doit encore être confirmée par un arrêté royal d’exécution qui se chargera de lister les secteurs concernés, tel que probablement la construction. Jusqu’à ce jour, aucun acte de la sorte n’a été pris par le législateur[8].
C. Deuxième modification
La loi du 14 août 2021 dispose également que lorsque le contrat prévoit une procédure de vérification ou d’acceptation afin de certifier la conformité des marchandises ou des services, ce délai de vérification doit désormais être inclus dans ce délai maximal de paiement de 60 jours[9].
D. Troisième modification
La nouvelle loi apporte quelques précisions complémentaires à savoir que, pour éviter de contourner le délai maximal de paiement, la date de réception de la facture ne peut plus être déterminée contractuellement par les parties.
Qui plus est, une fois le délai de paiement dépassé, le montant restant dû sera majoré, dès le lendemain de l’échéance, de plein droit et sans mise en demeure, d’intérêts de retard dont le taux applicable sera soit publié chaque semestre au moniteur belge[10], soit convenu par le créancier dans ses conditions générales pour autant que ce taux ne constitue pas en un abus.
Une indemnité forfaitaire de quarante euros pour frais de recouvrement ainsi qu’une éventuelle indemnisation complémentaire sera également due.
III. Application
A. Contrat en cours
La loi du 14 aout 2021 ne contenant pas de règles de droit transitoire, cette dernière s’applique in fine aux contrats conclus après le 1er février 2022.
Mais dès lors, qu’en est-il des contrats en cours d’exécution ? Dans le cadre d’une réunion de la Commission de l’économie, de la protection des consommateurs et de l’agenda numérique en date du 2 février 2022, le ministre Pierre-Yves Dermagne a précisé que les modifications apportées par cette nouvelle loi étaient directement applicables aux contrats en cours[11].
La Cour de cassation, dans un arrêt antérieur prononcé en date du 22 novembre 2021 énonce qu’« en matière de contrats, la loi ancienne reste applicable, à moins que la loi nouvelle ne soit d’ordre public ou ne prescrive expressément son application aux contrats en cours. Si la validité du contrat doit être appréciée sur base de la loi applicable au moment de sa conclusion, son exécution n’est possible que dans les limites fixées par une loi impérative ultérieure »[12].
Tout indique que la loi du 2 août 2022, telle que modifiée récemment, s’appliquerait donc aux contrats en cours d’exécution[13]. Il faudra néanmoins que divers contentieux en la matière surviennent afin de le confirmer[14].
B. Liberté contractuelle - et concurrentielle - réduite
Une autre question vient à se poser au regard des grandes entreprises qui conviennent, bien souvent, d’un délai de paiement supérieur à 60 jours dans le cadre de leurs relations commerciales. En réduisant la liberté contractuelle des entreprises, le législateur belge n’est-il pas en train de dresser un frein concurrentiel, pour les entreprises belges, vis-à-vis des entreprises situées dans des pays où de telles restrictions sont absentes ? Cette question ne pourra, encore une fois, être confirmée ou infirmée que sur le long terme.
Notre conseil
Au vu de ce qui précède, il conviendra aux entreprises d’être particulièrement attentives quant à leurs conditions générales mais également à celles de leurs fournisseurs ou autres contractants.
Cette vérification est primordiale compte tenu des sanctions prévues en cas de dispositions dérogatoires à la loi du 2 août 2022.
Charlotte Deprez
[1] Directive 2000/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 juin 2000 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, J.O.U.E, 8 août 2000, L 200, pp. 35 et s.
[2] Loi du 2 août 2022 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, M.B., 7 août 2002, p. 9716 ; voy. également C. BIQUET-MATHIEU, « A propos de la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales », in Mélanges offerts à Marcel Fontaine, Bruxelles, Larcier, 2003, pp. 3-43.
[3] P. WERY, « La loi du 28 mai 2019 modifiant la loi du 2 août 2002 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales : une nouvelle protection des PME », J.T., 2020, pp. 438-439.
[4] Loi du 14 août 2021 modifiant la loi du 2 août 2022 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, M.B., 30 août 2021, p. 32597.
[5] P. WERY, op.cit.
[6] J. ROODHOOFT, « Nouvelles règles sur le retard de paiement dans les transactions commerciales », mon Astuces et Conseils, Larcier, 5 novembre 2021.
[7] O. VANDEN BERGHE, « Délai de paiement dans les transactions commerciales 60 jours maximum – Loi du 14 août 2021 modifiant la loi du 2 août 2002 », R.D.C., 30 septembre 2021, disponible sur www.rdc-tbh.be/news.
[8] J. ROODHOOFT, op. cit.
[9] Droits Quotidiens Legal Design, « Le législateur fédéral supprime toute échappatoire visant à allonger le délai de paiement maximal des factures B2B », Actualités, Wolters Kluwer, 1er septembre 2021.
[10] Taux actuel de 8%.
[11] CRIV 55-COM682, p.1 (disponible sur www.lachambre.be).
[12] Cass., 22 novembre 2021, RG n° C.21.0046.N.
[13] Voy. en ce sens T. VAN COPPERNOLLE, Nieuwe cassatierechtspraak over toepassing van nieuwe wetten op lopende contracten (disponible sur www.coroporatefinancelab.org).
[14] F. VERMANDER, « La lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales s’intensifie : un bref aperçu des modifications récentes de la loi du 2 août 2002 », J.T., 2022, pp. 170-171.