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Déléguer la gestion journalière de votre société (et plus encore) à un chief executive officer (CEO)

Véritable directeur général, le CEO est plus qu’un délégué à la gestion journalière. Nous présentons dans les lignes qui suivent quelques traits saillants du statut de celui qui assure l’une des plus hautes fonctions opérationnelles au sein de l’entreprise.

1. Les règles de corporate governance.

En Belgique, le partage du pouvoir au sein des sociétés par actions est organisé par la loi (essentiellement, le Code des sociétés et des associations) et les statuts.
Les règles édictées par ces deux premières sources sont toutefois précisées et complétées par des instruments de corporate governance qui renferment d’excellentes idées à mettre en œuvre en vue d’une gestion plus transparente et intègre de la société. Plus équilibrée et mieux contrôlée, la société permet alors de rencontrer de manière optimale les intérêts de toutes ses parties prenantes, actuelles et futures. Ce n’est rien de moins que la continuité de l’entreprise qui s’en trouve renforcée.
Retenons en particulier au sein du paysage belge deux textes de soft law, contenant des recommandations non obligatoires : le Code belge de gouvernance d’entreprise 2020, d’une part, et le Code Buysse III, d’autre part[1]. Le premier a vocation à s’appliquer aux sociétés de droit belge dont les actions sont négociées sur un marché règlementé, tandis que le second s’adresse à toutes les entreprises belges qui ne tombent pas sous la définition de « sociétés cotées » au sens du Code des Sociétés et des associations.

2. Le Chief Executive Officer.

Il n’est pas étonnant de voir abordé au sein de tels instruments le statut de la personne investie de l’une des plus hautes fonctions opérationnelles au sein de l’entreprise : le « chief executive officer » ou « CEO ». Chargé d’assurer la direction effective de la société, c’est à lui que revient l’initiative des principales décisions de gestion dont il suggère l’adoption au Conseil d’administration et dont il sera, une fois la décision adoptée, chargé de la mise en œuvre.
Le Conseil d’administration approuve quant à lui la stratégie et contrôle[2], bien entendu, l’action du CEO.
Leur action n’est pas « alternative », mais bien concurrente. C’est dire si le CEO est appelé à entretenir des contacts étroits et réguliers avec le Conseil d’administration. Aussi, pour assurer entre eux le maintien d’un dialogue serein dicté par l’intérêt social, il convient pour le Conseil d’administration de fixer de manière claire les pouvoirs et les responsabilités confiées au CEO au moyen d’une politique de délégation écrite. Les quelques heures consacrées à la mise à place de ce partage du pouvoir sont précieuses tant elles permettent d’éviter d’inutiles frictions et d’apporter à la société et aux tiers toute la sécurité juridique nécessaire.

3. Le CEO, un membre du conseil d’administration ou un manager ?

La fonction de délégué à la gestion journalière peut être exercée par un administrateur qui prend, dans ce cas, le nom d’administrateur-délégué.
Il peut aussi être assumé par une personne extérieure à l’organe d’administration, salarié ou indépendant selon qu’il existe ou non un lien de subordination à l’égard de la société. Le Code des sociétés et des associations s’avère extrêmement souple à cet égard[3].

4. Le CEO, un délégué à la gestion journalière…

En pratique, le titre de CEO revient souvent à la personne déléguée à la gestion journalière par le Conseil d’administration. L’acte matérialisant cette désignation est un procès-verbal de cet organe[4].
Avec l’entrée en vigueur du CSA, la notion de « gestion journalière » a été consacrée légalement. De l’avis général des commentateurs, la définition retenue par le législateur a pour effet d’élargir les actes et décisions que recouvrent cette notion. Ainsi, désormais, relèvent de la gestion journalière d’une société, tous les actes qui soit n’excèdent pas les besoins de la vie quotidienne de la société, soit représente un intérêt mineur, soit ont un caractère urgent (art. 5:79, al. 2 CSA pour la SRL et art. 7:121, al. 2 CSA pour la SA). Le CEO est un organe de gestion et de représentation pour tous les actes qui relèvent de cette gestion journalière.

5. … Mais pas seulement !

Malgré son extension, la délégation à la gestion journalière telle qu’elle est définie par la loi s’avère souvent trop étriquée pour contenir l’ensemble des opérations nécessaires à la direction effective de la société. Il est dès lors fréquent que l’organe d’administration attribue au CEO, outre la gestion journalière, des pouvoirs particuliers.
Pour les actes excédant la gestion journalière, la mission du CEO s’analyse en un mandat qui lui est conféré par le Conseil d’administration ou les statuts. Le CEO acquiert dans ce cas la double qualité d’organe et de mandataire de la société[5].
Le mandat ne doit pas être publié aux annexes du Moniteur belge. Il est toutefois recommandé de constater les termes du mandat par écrit afin que le mandataire puisse s’en prévaloir vis-à-vis des tiers qui souhaiteraient vérifier l’étendue des pouvoirs qui lui ont été conférés[6].
En pratique, il est dès lors courant de voir certaines sociétés recourir à de véritables listings de compétences réparties parmi différentes personnes membres du personnel ou non[7] : accepter les commandes et paiements, engager du personnel, ouvrir un compte bancaire, etc.

6. Révoquer le CEO.

A défaut de dispositions particulières au sein du CSA (l’article 5 :79 se bornant à renvoyer le lecteur aux statuts de la société), la révocation du délégué à la gestion journalière est encadrée par le droit commun du mandat. C’est donc la règle de la révocabilité ad nutum[8] qui s’applique.
Cette règle est supplétive et peut donc être écartée ou aménagée par les statuts ou une décision du Conseil d’administration. Des conditions plus favorables au délégué peuvent être stipulées en accompagnant sa révocation du droit à la prestation d’un préavis ou d’un droit au paiement d’une indemnité de départ.

7. Encadrer contractuellement la mission du CEO.

Puisque le CEO peut obtenir des garanties de stabilité de sa fonction à l’occasion de sa nomination, est-il toujours utile pour lui de conclure un contrat de travail ou un contrat de management ? La réponse est assurément positive. Il ne faut en effet pas perdre de vue que le mandat du délégué à la gestion journalière peut être révoqué pour de « justes motifs » (comme une faute grave du CEO ou une mésintelligence grave entre actionnaires), privant ainsi le CEO des garanties qui lui ont été consenties antérieurement par les statuts ou l’organe d’administration.
Or, comme la révocation du mandat de délégué à la gestion journalière n’emporte pas la résiliation du contrat de management ou du contrat de travail, la société sera tenue de respecter les règles propres à la résiliation desdits contrats[9].
Il en va de même en cas de combinaison d’un mandat d’administrateur et d’un mandat de délégué à la gestion journalière. Ainsi, « le délégué à la gestion journalière qui est en même temps administrateur peut donc conclure avec la société un contrat de travail portant sur la gestion journalière sans qu’il soit requis qu’il exerce d’autres fonctions opérationnelles, pour autant qu’il soit subordonné à la société pour cette gestion journalière. Dans ce cas de figure, la société peut mettre fin au mandat d’administrateur ad nutum ou selon les autres règles fixées par les statuts ou une décision de l’assemblée générale et au contrat de travail selon les normes impératives de droit du travail, en particulier en respectant le délai de préavis ou en payant l’indemnité de préavis conforme à la loi relative aux contrats de travail » [10].

 

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Les avocats du cabinet WALK accompagnent les sociétés qui souhaitent encadrer adéquatement le travail du CEO tout en respectant sa responsabilité exécutive et tout en lui assurant, par la rédaction d’un contrat de travail ou d’un contrat de management, les garanties de stabilité qu’il mérite.  

 

Nicolas Wouters

 

[1]           Il est important de noter que l’entrée en vigueur du Code des sociétés et des associations a été l’occasion d’un rapprochement des règles applicables à la gouvernance des sociétés à responsabilité limitée (SRL), des sociétés coopératives (SC) et des sociétés anonymes (SA).

[2]           Le conseil d’administration doit contrôler l’action du délégué à la gestion journalière, sans toutefois qu’une faute du délégué n’entraîne automatiquement une faute des administrateurs (H. CULOT et D. VAN GERVEN, « Chronique – Kroniek, Droit des sociétés, Vennootschapsrecht, 2019-2020, R.P.S. – T.V.R., 2020, n°78).

[3]           T. DOUILLET, « La gouvernance des rémunérations des dirigeants dans les sociétés cotées. Le point après le Code des sociétés et des associations », R.D.S., p. 590.

[4]           Et non un procès-verbal de l’assemblée générale. L’irrégularité peut cependant être couverte, même tacitement, par exemple en cas d’exercice continu de sa fonction par le délégué, sans protestation de l’organe d’administration (CE, 26 juillet, 2019, R.W., 2019-2020, p. 949).

[5]           D. WILLERMAIN et E.-J. NAVEZ, « L’évolution de la gouvernance des sociétés au 21ème siècle », La gouvernance des sociétés au 21ème siècle, Limal, Anthémis, 2020, p. 80. Autrement formulé, « l’organe de gestion journalière n’est un organe qu’au sein du domaine de la gestion journalière et n’a pas cette qualité s’il effectue des actes plus importants en vertu d’une délégation spéciale de pouvoirs » (J. DELVOIE, « La théorie de l'organe en droit privé belge : le temps est venu de tourner la page », Rev. prat. Soc., 2012/1, p. 50).

[6]           J. MALHERBE, Y. DE CORDT, P. LAMBRECHT, P. MALHERBE et H. CULOT, Droit des sociétés, Bruxelles, Larcier, 2020, p. 237.

[7]           O. CAPRASSE, « La délégation à la gestion journalière et les mandats particuliers dans les sociétés anonymes », J.T., 2011, p. 224.

[8]           Soit la révocation sans motif, ni délai, ni indemnité.

[9]           P. VANHAVERBEKE et A. HACHEZ, « Mandataires de sociétés et d’associations : contrat de travail et sécurité d’emploi face au principe de révocabilité », Le statut des associés et mandataires de sociétés et associations, Limal, Anthémis, 2021, p. 81.

[10]          P. CRAHAY, « La révocation des administrateurs dans le Code des sociétés et des associations », R.P.S – T.V.R., 2020, n°102.

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