CONTROLES SOCIAUX ET SANITAIRES - partie 4: Les sanctions applicables
En cas d’inspection sociale, que risquez-vous concrètement en matière de sanction ? Un inspecteur s’est présenté au siège de l’entreprise et a constaté une ou plusieurs infractions. Quelle suite va-t-il réserver à ces constats ? Les possibilités sont multiples. Dans cette quatri
I. Pouvoir d’appréciation de l’inspecteur social
1. Plusieurs dévisions possibles
Lorsque l'inspecteur social effectue un contrôle dans votre entreprise et constate des infractions au droit pénal social, il peut prendre différentes décisions :
- Donner un avertissement : il sera généralement adressé pour les infractions les plus légères et a pour vocation de mettre fin à l’infraction pour le futur.
- Fixer un délai pour régulariser la situation : la régularisation permet d’éviter la plupart du temps l’établissement d’un procès-verbal.
- Dresser un procès-verbal.
L’inspecteur social n’a donc pas l’obligation de dénoncer toutes les infractions qu’il constate à l’Auditeur du travail.
2. Procès-verbal
Si l’inspecteur décide toutefois de dresser un procès-verbal, celui-ci sera automatiquement transmis à:
- l’Auditorat
- l’auteur présumé de l’infraction (ex : l’employeur)
- la Direction des amendes administratives
Le procès-verbal doit être notifié dans un délai de 14 jours suite au constat de l’infraction. Pour autant que cette condition soit respectée, le procès-verbal fera foi jusqu’à preuve du contraire. Cela signifie qu’il appartient au contrevenant de rapporter la preuve contraire de ce qui est repris dans ledit procès-verbal.
3. Suites données au procès-verbal
Le procès-verbal est dressé et communiqué aux intéressés. Nous sommes désormais dans la phase où les instances vont décider si une sanction doit, ou non, être infligée. Il est important de distinguer les poursuites du Ministère Public – et donc, en matière de législation sociale, de l’Auditeur du travail – des poursuites de l’Administration. La sanction éventuellement appliquée pourra donc être pénale ou administrative.
II. Les poursuites de l’Auditorat du travail
1. Décisons de l'Auditeur du travail
Lorsqu’un procès-verbal de constat d’infraction est transmis à l’Auditeur du travail, et qu’il estime que le dossier est complet, ce dernier pourra prendre différentes décisions :
- Classer le dossier sans suite : l’Auditeur renonce à poursuivre pénalement.
- Proposer l'extinction de l'action publique moyennant :
- une transaction, à savoir le paiement d'une somme d'argent.
- une médiation pénale (ex : travaux d’intérêt général, suivi de formations,…).
- Intenter l'action civile devant le Tribunal du travail (art. 138bis, §2 al. 1 Code Judiciaire).
- Poursuivre devant le tribunal correctionnel.
Lorsque l’Auditorat estime qu’il y a lieu de poursuivre l’employeur, son préposé ou son mandataire devant le Tribunal correctionnel, c’est le Juge qui décidera in fine si l’infraction est ou non établie, et dans l’affirmative, quelle sanction appliquer.
2. Niveaux de sanction
En vertu de l’article 101 du Code pénal social, la sanction dépendra du niveau de l’infraction.
Niveau sanction |
Emprisonnement |
Amende pénale |
Amende administrative |
Niveau 1 |
néant |
néant |
10 à 100 € |
Niveau 2 |
néant |
soit 50 à 500 € |
soit 25 à 250 € |
Niveau 3 |
néant |
soit 100 à 1.000 € |
soit 50 à 500 € |
Niveau 4 |
soit 6 mois à 3 ans |
et/ou 600 à 6.000 € |
soit 300 à 3.000 € |
Les montants repris dans ce tableau doivent être multipliés par les décimes additionnels. Actuellement, cela revient à opérer une multiplication par 8. Nous obtenons donc les minima et maxima suivants :
Niveau sanction |
Emprisonnement |
Amende pénale |
Amende administrative |
Niveau 1 |
néant |
néant |
80 à 800 € |
Niveau 2 |
néant |
soit 400€ à 4.000€ |
soit 200 à 2.000 € |
Niveau 3 |
néant |
soit 800 à 8.000 € |
soit 40 à 4.000 € |
Niveau 4 |
soit 6 mois à 3 ans |
et/ou 4.800 à 48.000 € |
soit 2.400 à 24.000 € |
Attention, une précision s’impose : l’Auditeur du travail n’est pas compétent pour poursuivre les infractions punies d’une sanction de niveau 1, à savoir les infractions dites « légères ». Seule une amende administrative pourra être appliquée à ce type d’infraction.
Pour les infractions punies d'une sanction de niveau 2, 3 ou 4, le contrevenant peut se voir imposer une amende pénale, ou dans certains cas graves exceptionnels (niveau 4), une peine d’emprisonnement.
Nous précisons également que dans certaines situations qui le justifient, le juge peut imposer des mesures particulières telles que l’interdiction d’exploitation, l’interdiction professionnelle ou la fermeture de l’entreprise pour une durée maximale de trois ans. Ce type de mesure particulière ne sera possible que pour les infractions punies d’une sanction de niveau 3 ou 4.
3. Coeficient multiplicateur
Finalement, vous devez garder en tête que, lorsque le Code pénal social le prévoit explicitement, l’amende imposée pourra être multipliée par le nombre de travailleurs concernés par l’infraction constatée. Cependant, cette multiplication ne sera effectuée qu’à concurrence d’un plafond qui correspond au montant maximal de l’amende multiplié par cent.
Ainsi, imaginons que vous omettiez de déclarer quatre de vos travailleurs, vous commettez alors une infraction de niveau 4 conformément aux articles 181 et 181/1 du Code pénal social. Concrètement, cette infraction est passible d’une amende de 4.800 € à 48.000 €, à multiplier par 4 (nombre de travailleurs concernés), soit une amende de 19.200 € à 192.000 € !
Vous l’aurez compris, ces amendes peuvent rapidement chiffrer en cas d’infraction collective !
Bien entendu, toute condamnation judiciaire sera susceptible d’opposition ou d’appel.
III. Les poursuites de l’Administration
1. Amende administrative
Lorsque l’auditeur du travail décide de ne pas intenter de poursuites pénales et classe sans suite, le procès-verbal de constat d’infraction est transmis à la Direction des amendes administratives du SPF Emploi, Travail et Concertation sociale (ci-après D.A.A.) qui sera compétente pour décider de la suite à y réserver.
Ce service va, à son tour, décider de l’opportunité d’infliger ou non une amende administrative et déterminera le montant de cette amende sur base du tableau repris au point 2.2. En tout état de cause, une amende administrative et une amende pénale ne peuvent jamais se cumuler pour une même infraction. En d’autres termes, il n’y aura amende administrative qu’en cas de classement sans suite par l’auditeur.
Pour rappel, les infractions légères punies d’une sanction de niveau 1 pour lesquelles un procès-verbal a été dressé sont directement transmises à la D.A.A.
2. Moyens de défense
Lorsque la D.A.A. entend infliger une amende administrative au contrevenant, elle doit préalablement inviter celui-ci à présenter ses moyens de défense et mettre à sa disposition le dossier relatif auxdites infractions.
Vous aurez donc un délai de 30 jours à dater de la notification de ce courrier pour présenter soit par écrit, soit oralement vos moyens de défense. Passé ce délai de 30 jours, la D.A.A. va examiner les éléments du dossier, vos moyens de défense et va vérifier que les infractions sont bien établies.
La D.A.A. peut ensuite décider de :
- Classer sans suite
- Infliger une amende administrative
- Prononcer une déclaration de culpabilité
3. Montant de l'amende administrative
Si la Direction décide d’infliger une amende administrative, elle tiendra compte de différents éléments pour déterminer le montant et, notamment :
- Les circonstances atténuantes (article 115 du Code pénal social) : dans ce cas, l’amende peut être réduite au-dessous du montant minimum porté par la loi, sans qu'elle puisse être inférieure à 40% du montant minimum prescrit.
- La récidive (article 111 du Code pénal social) : en cas de récidive dans l'année qui suit une décision administrative ou judiciaire déclarant la culpabilité, ou une décision administrative infligeant une amende administrative de niveau 1, 2, 3 ou 4 ou condamnant à une peine pénale de niveau 1, 2, 3 ou 4, le montant de l'amende administrative peut être porté au double du maximum.
- Le sursis (article 116, §1er du Code pénal social) : la D.A.A. peut décider qu'il sera sursis à l'exécution de la décision infligeant une amende administrative, en tout ou en partie, pour autant que le contrevenant ne se soit pas vu infliger une amende administrative ou sanction pénale de niveau 2, 3 ou 4 durant les cinq années qui précèdent la nouvelle infraction.
- Le concours par unité d’intention (article 113 du Code pénal social) : lorsqu’un même fait constitue plusieurs infractions ou lorsque différentes infractions soumises simultanément à l'administration compétente constituent la manifestation successive et continue de la même intention délictueuse, seule l'amende administrative la plus forte est infligée.
La décision de la D.A.A. peut être contestée dans un délai de trois mois à dater de sa notification par requête déposée au greffe du tribunal du travail compétent. Ce recours suspend l'exécution de la décision.
IV. Application en cas de non-respect des mesures COVID
Comme cela a été expliqué dans les précédents articles de cette semaine relative aux contrôles de l’inspection sociale, le non-respect des mesures COVID au sein des entreprises est pénalement punissable.
A titre d’exemple, et selon le secteur d’activité, les obligations suivantes peuvent s’imposer à l’employeur :
- Interdiction de faire travailler son personnel si la fermeture de l’établissement est imposée (ex : boites de nuit) ;
- Obligation de garantir les règles de distanciation sociale et/ou d’adopter et d’appliquer les mesures de prévention appropriées ;
- Obligation d’organiser le télétravail ;
- Port obligatoire du masque par le personnel, mise à la disposition du personnel des produits nécessaires à l’hygiène des mains, …
- ….
En cas de manquement à l’une de ces obligations, il s’agit d’une infraction punie d’une sanction de niveau 2. Concrètement, l’employeur, son préposé ou son mandataire sont passibles d’une amende pénale de 400 à 4.000 € ou d’une amende administrative de 200 à 2.000 €, étant entendu que le montant de l’amende peut être multiplié par le nombre de travailleurs concernés.
En vertu du Code pénal social, les infractions en matière de santé et sécurité au travail, si elles ont entraîné des ennuis de santé ou une incapacité de travail dans le chef des travailleurs sont punies d’une sanction de niveau 3 ou 4. Sur cette base, il est envisageable que le non-respect des mesures COVID soit puni d’une telle sanction si l’infraction a par exemple entrainé la contamination des travailleurs et, de facto, leur incapacité.
Le département Social
(composé de Cerise Alix, Sophie Wintgens, Sophie Rousseaux et Caroline Boumal)