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Mise en conformité des statuts de la SRL non cotée au CSA : transformer la contrainte en opportunité

L’échéance du délai accordé aux administrateurs des SPRL pour la mise en conformité de leurs statuts aux dispositions du CSA approche. Cette obligation est une opportunité de repenser la charte statutaire, en particulier pour les sociétés conçues comme des instruments de gouvernance familiale.

Introduction

La date du 1er janvier 2024 approche et, avec elle, l’échéance du délai accordé aux administrateurs des sociétés privées à responsabilité limitée (SPRL) pour la mise en conformité de leurs statuts au nouveau régime de la société à responsabilité limitée (ci-après, « SRL »). Nombre de sociétés ont déjà achevé leur mutation à l’occasion d’une modification statutaire intervenue depuis le 1er janvier 2020[1]. Ces quelques lignes sont donc destinées au premier chef à celles et ceux qui n’ont pas encore sauté le pas. Elles ont pour objectif de démontrer que cette obligation de mise en conformité peut très vite revêtir les traits d’une véritable opportunité de repenser la charte statutaire, en particulier pour les sociétés conçues comme des instruments de gouvernance familiale.
La possibilité d’individualiser les statuts en fonction des besoins propres de chaque société est précieuse. Elle résulte de la nature supplétive de certaines dispositions du CSA auxquelles les statuts peuvent valablement déroger et prévoir un régime différent de celui qui a été adopté par le législateur. Plusieurs espaces de liberté sont ainsi offerts aux rédacteurs des statuts, notamment en matière de contrôle de l’actionnariat (I), de contrôle de l’assemblée générale (II) ou de composition de l’organe d’administration (III)[2]. En voici quelques exemples.

I. Le contrôle de l’actionnariat

L’entrée de certaines personnes dans l’actionnariat de la SRL n’est pas soumise à l’agrément des autres actionnaires. C’est le cas des conjoints, des descendants ou des ascendants de l’actionnaire cédant (article 5:63 du CSA). Les cessions d’actions entre vifs ou les transmissions de ces mêmes actions pour cause de mort à ces personnes sont donc libres tandis que les cessions ou transmissions réalisées au profit d’autres membres de la famille du cédant (comme ses neveux ou nièces) et a fortiori au profit de tiers, sont soumises à un régime d’agrément. Les statuts peuvent toutefois déroger à ce régime dans le sens d’un assouplissement ou d’un renforcement de celui-ci, afin de traduire adéquatement la volonté des actionnaires d’ouvrir ou de fermer leur société.
Par ailleurs, alors que c’est en règle aux actionnaires qu’il revient d’agréer le candidat cessionnaire, les statuts peuvent confier ce pouvoir à l’organe d’administration.
Relevons encore que les règles de majorité prévues par le CSA pour la délivrance de l’agrément (majorité des actionnaires possédant au moins trois quarts des actions) peuvent être assouplies ou au contraire renforcées par les statuts qui pourraient, par exemple, subordonner le transfert d’actions à l’accord unanime des actionnaires[3].
Enfin, le mécanisme même de l’agrément peut être combiné avec celui d’un droit de préemption réservé à tous les actionnaires ou à certains d’entre eux. Les virtualités sont légion et la pratique se révèle des plus inventives.

II. Le contrôle de l’assemblée générale

L’article 5:42 du CSA  prévoit que chaque action émise par la SRL dispose, en règle, d’une voix à l’assemblée générale. Il y a donc une corrélation de principe entre la valeur économique d’une action (matérialisée par le droit au bénéfice et au solde de la liquidation qu’elle octroie à son titulaire) et le pouvoir votal qui lui est associé. Toutefois, à l’instar du régime de l’agrément, cette disposition peut faire l’objet d’importantes dérogations au sein des statuts et l’on voit ainsi apparaître en pratique des actions à droit de votes multiples, des actions sans droit de vote ou encore des actions dotées d’un droit de veto[4].
De même, certaines actions se voient pourvues d’une grande valeur patrimoniale et d’autres non[5], de sorte qu’il est loisible au propriétaire d’actions de plusieurs classes, de céder ses actions à forte valeur patrimoniale, tout en conservant les actions lui assurant une majorité à l’assemblée générale et, partant, le contrôle de la société.
Les statuts pourraient également prévoir une clause dite de « présentation » qui octroie à certains actionnaires, au détriment des autres, le pouvoir de présenter des candidats administrateurs[6]
Concrètement, la création d’une nouvelle classe d’actions en cours de vie sociale implique, sauf exception, le respect d’une procédure particulière (prévue par l’article 5:102 du CSA) au cours de laquelle l’organe d’administration sera appelé à justifier au sein d’un rapport spécial « les modifications proposées et leurs conséquences sur les droits des classes d’actions existantes ». Il sera ensuite procédé à un vote par classe aux conditions de majorité prévues pour la modification des statuts.

III. Le statut des membres de l’organe d’administration

Les clauses statutaires relatives aux cessions de titres et aux droits qui y sont attachés peuvent être utilement complétées par des clauses relatives à la nomination et à la révocation des administrateurs de la SRL. A cet égard, la loi autorise, comme par le passé, qu’un administrateur soit désigné « par les statuts » (article 5:70,§2, du CSA) pour une durée déterminée ou indéterminée. L’administrateur est alors qualifié de « statutaire » et sa révocation ne peut intervenir que par le biais d’une modification des statuts, laquelle est conditionnée à la réunion d’une majorité des trois quarts des voix à l’assemblée générale[7].
A moins que les statuts n’y dérogent expressément, la révocation d’un administrateur statutaire peut toutefois opérer ad nutum (avec effet immédiat et sans motif). D’aucuns seront dès lors tentés de conditionner la révocation d’un administrateur, statutaire ou non, à la notification d’un préavis ou au paiement d’une indemnité à moins que des justes motifs[8] de révocation ne puissent être imputés à l’administrateur[9].
Enfin, la recherche de stabilité au sein de l’organe d’administration conduira également les rédacteurs des statuts à indiquer le nom d’un successeur pour l’administrateur statutaire[10]. Alternativement, s’il souhaite d’ores et déjà associer son héritier aux décisions de l’organe d’administration, l’administrateur statutaire pourra veiller à ce que celui-ci soit également nommé administrateur. Tous deux formeront alors un organe de gestion collégial, avec éventuellement l’octroi d’une voix prépondérante à l’administrateur statutaire en cas de partage des voix au conseil d’administration[11].

Conclusions

Pérenniser le patrimoine d’une société et lui assurer un développement harmonieux implique d’organiser précisément le partage du pouvoir au sein de celle-ci. Cette nécessité est d’autant plus forte lorsque l’actionnariat et l’organe d’administration sont marqués par l’influence d’une ou plusieurs familles. Cette brève contribution a été l’occasion de mettre en évidence quelques clauses spécifiques pouvant être insérées dans les statuts afin de réaliser cet objectif. Gardons toutefois à l’esprit que les statuts ne sont qu’un outil de gouvernance familiale parmi d’autres et qu’une convention d’actionnaires pourra valablement compléter ou préciser certaines clauses de ceux-ci. Ces conventions présentent l’avantage non négligeable de la confidentialité alors que les statuts doivent être publiés aux annexes du Moniteur belge[12].
Le législateur a fait œuvre bien utile en renforçant la liberté statutaire et contractuelle au sein des SRL non cotées. Nous ne pouvons que conseiller aux actionnaires et administrateurs de saisir cette opportunité d’individualiser leur société pour rencontrer de manière optimale les intérêts de toutes ses parties prenantes, actuelles et futures.

Les avocats du département Sociétés et Associations du cabinet Walk assistent régulièrement leurs clients dans le cadre de la rédaction de statuts ou de pactes d’actionnaires.

 

Nicolas Wouters

 


[1] Cette modification, quel qu’en soit l’objet, emporte une obligation de mise en conformité avec les dispositions du Code des sociétés et des associations.
[2] C. TOMASI, « Droit des sociétés et gouvernance familiale : regards croisés entre Luxembourg, Belgique et France », R.I.P., 2019, p. 24.
[3] P.-A. FORIERS, « La SRL et les conventions d’actionnaires comme outils de transmission patrimoniale – L’apport du Code des sociétés et des associations », La transmission des sociétés familiales et le Code des sociétés et des associations, Limal, Anthémis, 2019, p. 19.
[4] A.-P. ANDRE DUMONT, « Les titres et leur transfert », Le nouveau droit des sociétés et des associations. Analyse ciritque et modèles de clauses commentés, Bruxelles, Larcier, 2019, p. 309.
[5] La possibilité d’une répartition inégale des bénéfices ne fait pas de doute, sous réserve de la prohibition des clauses léonines (article 5:14 du CSA), soit les clauses qui ont pour effet d’attribuer la totalité des bénéfices à un actionnaire ou d’en exclure un ou plusieurs de la participation au bénéfice (L. CLOQUET et A.-P. ANDRE DUMONT, « Les actions à géométrie variable dans les sociétés familiales constituées sous forme de SRL et de SA (spécialement dans une perspective de transmission de la société », R.P.B.I, 2020, p. 110).
[6] D. WILLERMAIN, F. MESSINE et G. COLLARD, « La gouvernance des sociétés, spécialement des sociétés par actions », Le nouveau droit des sociétés et des associations. Le CSA sous la loupe, Limal, Anthémis, 2019, p. 195.
[7] Sans oublier que la modification des statuts elle-même peut être subordonnée à une majorité renforcée, voire à une unanimité des suffrages à l’assemblée générale. P.-A. FORIERS, op. cit., p. 27.
[8] Les justes motifs que sont, par exemple, l’incompétence notoire, les manquements d’un administrateur à ses obligations ou une mésentente entre les coadministrateurs peuvent toujours emporter leur révocation sans préavis ni indemnité. A.-P. ANDRE DUMONT, « La transmission de l’entreprise familiale : questions choisies », Le nouveau droit des sociétés en pratique, Limal, Anthémis, 2021, p. 100.
[9] D. WILLERMAIN, F. MESSINE et G. COLLARD, op. cit., p. 199.
[10] Ibidem.
[11] D. WILLERMAIN, « Le contrôle de l’actionnariat et de l’administration des sociétés familiales constituées sous forme de SRL ou de SA (spécialement dans une perspective de transmission de la société », R.P.B.I, 2020, p. 136.
[12] Le régime de publication des statuts assure toutefois leur opposabilité aux tiers, même de bonne foi. E. POTTIER, « Restrictions à la cessibilité des titres et organisation de la gouvernance au sein de la société anonyme par le biais d’une convention d’actionnaires ou de clauses statutaires : analyse juridique et réflexions pratiques », Le nouveau droit des sociétés en pratique, Limal, Anthémis, 2021, p. 73.

 

Photo credit: Riccardo Maria Mantero on VisualHunt.com

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